Le 6 mars 2012 : Quelles frontières entre déviances, perversions et normalité en sexologie ?
Voici le résumé de deux heures de discussions et d'échanges animés entre hommes et femmes où l'on a évoqué les thèmes suivants :
- la définition de la perversion dans le Petit Robert est : "trouver du plaisir par une voie qui n'est pas normale" et dans le Dictionnaire Hachette : "recherche plus ou moins exclusive de la satisfaction des pulsions sexuelles par des pratiques telles que sadisme, masochisme, fétichisme, exchibitionnisme, etc" ou "déviation des tendances et des instincts se traduisant par un trouble du comportement"
- alors que la déviance est définie comme "une conduite qui s'écarte des normes sociales"
- en tant que sexologues disciples de Willy Pasini nous aimons la distinction qu'il fait entre les "perversions soft" qui sont tolérées et permises par le code pénal et les "perversions hard" qui sont interdites et punissables
- en sexologie on flirte constamment entre les notions de norme, de normalité et les notions de déviances et de perversions : beaucoup de patients qui nous consultent sont obsédés par l'idée qu'ils ne sont pas "normaux" ou "normales"
- pour chacun-e d'entre nous, la limite entre ce qui est une pratique sexuelle plaisante et une pratique sexuelle dangeureuse et dommageable est différente
- la pratique de perversions "soft" entre deux adultes consentants peut permettre de faire durer le désir et de varier la sexualité dans un couple
- les différences culturelles sont importantes et conditionnent aussi nos "a priori" en matière de sexualité
- les différences de stimulation érotiques sont importantes entre hommes et femmes : les premiers sont plutôt visuels et voyeurs, les secondes plutôt auditives et exhibitionnistes
- dans la pornographie, la fellation, la sodomie ou l'éjaculation faciale semblent tout à fait normales, alors pour beaucoup de gens elles sont encore considérées comme des pratiques déviantes
- d'ailleurs on peut se demander si la pornographie n'induit pas le voyeurisme et le fétichisme ? ou même des pratiques de plus en plus sophistiquées de sado-masochisme...
- ce qui est certain c'est que la pornographie formate l'imaginaire sexuel des hommes d'aujourd'hui, en particulier des jeunes inexpérimentés, et ce de façon déviante, ne serait-ce que par le choix d'actrices à petites vulves style petites filles pré-pubères et d'acteurs à "grosse bite" surdimensionnée (il est donc important d'informer nos jeunes sur les déviances induites par la pornographie)
- les différentes religions ont toutes tenté de définir des normes et conduites en matière de sexualité ; par exemple les catholiques valorisent encore la virginité et la chasteté et interdisent la contraception, la masturbation et l'homosexualité
- la moitié des femmes ne se masturbe jamais et ne connaît pas son corps : comment peut-on avoir ou donner du plaisir à son partenaire si on ne se connaît pas soi-même ?
- pour la majorité des hommes, les femmes devraient jouir par pénétration vaginale pendant le coït et non par stimulation clitoridienne ou du point G... la normalité sociale est d'être "vaginale", alors que la nature nous a pourvue d'un organe clitoridien dédié au plaisir !
- il est aussi important pour une femme de découvrir son corps et d'apprendre ce qui l'excite et la conduit au plaisir que pour un homme d'apprendre à maîtriser son désir, ses pulsions, son excitation et à contrôler son éjaculation...
- l'homosexualité est encore considérée comme déviante - et à une époque pas si lointaine comme une perversion - même si cela fait plus de 50 ans que Sigmund Freud a découvert que nous sommes tous bisexuels !
- la pédophilie est une perversion sexuelle difficile à traiter, d'une part parce que les abuseurs ont fréquemment d'abord été des victimes, ensuite parce qu'ils ne reconnaissent pas leurs crimes ni les terribles conséquences qu'ils ont sur leurs victimes
- les pédophiles sont souvent immatures affectivement et sexuellement à cause de ce dont ils ont eux-mêmes souffert dans leur enfance (comme chez les adeptes du sado-masochisme où la victime devient bourreau...)
- il existe des traitements médicamenteux pour les violeurs et les pédophiles comme l'Androcur qui diminue nettement les pulsions sexuelles
- on peut considérer comme pervers tout ce qu'on inflige ou impose à son partenaire sans son consentement
- notre société est encore très paradoxale face à la sexualité, oscillant entre censure et obligation de jouir, entre cacher ou montrer, entre désirer ou saturer...
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